L’Europe a besoin de politiques intelligentes pour combattre les régimes autoritaires
OPINION. L’Union européenne est confrontée à une politique active d’influence militaire, commerciale, numérique et technologique de pays menée par des régimes autoritaires comme la Chine et la Russie. Le cas de l’Ukraine ou l’implantation de la 5G par Huawei en sont des exemples. Il est nécessaire que les démocraties libérales telles que l’UE et les États-Unis contrent cette politique en utilisant les principes de l’Etat de droit. Par Yaël Ossowski, Fred Roeder et Luca Bertoletti (*).
Pendant des décennies, la stabilité politique, la croissance économique et la paix ont été indispensables pour faire de l’Europe un continent prospère et libre.
Les institutions de l’Union européenne ainsi que les différents États membres ont été à la tête de ces efforts, en libéralisant le commerce et en ouvrant les marchés pour que les consommateurs et les citoyens soient beaucoup mieux lotis. Une coopération et des échanges accrus ont grandement amélioré la vie de millions de personnes.
Questions clés
Malgré l’ampleur de ces efforts, il reste des questions clés qui devraient tous nous préoccuper en tant que citoyens de pays démocratiques. Le spectre des régimes autoritaires est encore bien réel en Europe, comme en témoignent les mouvements militaires effrontés. Un autre exemple est les influences numériques et technologiques sophistiquées dans nos infrastructures, ainsi que nos établissements politiques.
Au Hong Kong, l’État autoritaire croissant de la Chine recourt à la violence et à l’intimidation pour réprimer des manifestations découlant d’un projet de loi sur l’extradition. L’existence de camps de rééducation chinois pour un million d’Ouïghours, la minorité musulmane, a longtemps été niée, mais elle est maintenant reconnue et couverte dans la presse grand public, comme le New York Times, après des années de campagnes menées par des groupes de défense des droits de la personne.
Les vastes capacités de surveillance de l’État chinois, bien connues de sa population nationale, commencent à avoir un impact sur les citoyens européens. Ceci est une tendance inquiétante.
Salve d’ouverture
Compte tenu de l’influence économique croissante de la Chine en Europe, ces faits doivent être revus à mesure que nous mettons en œuvre de nouvelles technologies. Le débat sur l’infrastructure 5G et Huawei n’en est que la salve d’ouverture. La protection de la vie privée des consommateurs et la sécurité des données doivent être garanties: les efforts visant à les protéger en tenant compte des préoccupations de sécurité nationale lors de l’approvisionnement en technologies clés, comme l’ont fait le Royaume-Uni, la France et l’UE avec le 5G, semblent être la meilleure approche.
Mais des politiques numériques intelligentes ne seront pas efficaces si elles ne protègent pas nos démocraties des menaces réelles.
Aux frontières de l’Union européenne, l’Ukraine se reconstruit après cinq années d’invasion, de conflit et d’affaiblissement stratégique par son puissant voisin russe. Des milliers d’Ukrainiens ont perdu la vie en défendant leur territoire, et la situation reste périlleuse alors que des millions d’anciens citoyens ukrainiens vivent maintenant derrière les frontières russes. C’est souvent oublié. Et il faut tenir compte de l’influence russe dans de nombreux grands partis politiques européens, sans parler des « socialbots » lors des élections.
40% des échanges commerciaux de l’Ukraine liés à l’UE
L’attention renouvelée accordée aux ressources énergétiques et à la position géopolitique de l’Ukraine lors des auditions de destitution du président Donald Trump ne fait qu’accentuer cette tendance, et l’on peut espérer que les pays européens resteront fermes dans leur volonté d’aider le pays qui a déjà aspiré à adhérer à l’UE. L’appui non seulement diplomatique, mais aussi commercial est essentiel à cet égard. Plus de 40 % des échanges commerciaux de l’Ukraine sont directement liés à l’UE, mais ils seront bientôt éclipsés par la Chine.
Des milliers d’entreprises européennes et américaines détiennent des intérêts stratégiques en Ukraine et encore plus d’entreprises ukrainiennes dépendent entièrement de clients européens. Ces relations doivent également persévérer, malgré les menaces de la Russie et de la Chine.
La technologie électrique ukrainienne utilisée dans les conducteurs et les allumages représente près de 285 millions d’euros de commerce avec l’Allemagne, tandis que les exportations allemandes de machines et de voitures sont essentielles pour les consommateurs ukrainiens.
Association entre Chine et Russie
Une autre de ces technologies est le catapultage des aéronefs à bord d’un porte-avions à l’aide d’un moteur à induction électromagnétique. Le président Trump a bizarrement fait sauter cette innovation en déclarant qu’il préférerait les lanceurs à vapeur, qui ont été utilisés pendant des décennies. Cependant, il semble que de nombreux pays européens, dont la France, soient enthousiastes à l’idée d’adopter la nouvelle technologie.
La Chine s’est déjà engagée à utiliser des lanceurs électromagnétiques pour ses futurs porte-avions et s’associe à la Russie pour construire la prochaine génération de navires nucléaires. Cela intervient alors que la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Ukraine et qu’elle augmente ses investissements sur l’ensemble du continent.
L’Europe va-t-elle se permettre d’être concurrencée ? Quel sera l’impact d’une alliance militaire plus solide entre la Chine et la Russie sur les Européens? Seul l’avenir nous le dira, et nous espérons que nos principes démocratiques nous guideront vers la prospérité et la sécurité en même temps.
Soutien diplomatique
Ce qui reste clair, c’est que les nations européennes doivent mener des politiques intelligentes pour combattre cette montée des régimes autocratiques. Des évaluations minutieuses des importations des technologies, dont la technologie de 5G et autres, seront essentielles, de même qu’un soutien diplomatique.
Les principes démocratiques tels que l’État de droit sont extrêmement importants. Les démocraties libérales telles que l’UE et les États-Unis doivent trouver une approche commune pour protéger les citoyens de l’influence croissante d’acteurs autoritaires comme le régime communiste chinois.
C’est ainsi que nous pouvons continuer à soutenir la démocratie et la prospérité dans le monde entier.
(*) Yaël Ossowski, Fred Roeder et Luca Bertoletti sont directeurs de 21Democracy, un projet de l’agence pour le Choix du Consommateur.